KILL

11/09/2024 - Par Alex Masson
Au moment où les blockbusters indiens commencent à séduire le public international, KILL essaie déjà de les sortir de leur train-train.

La logique marketing va vouloir rameuter les foules autour de KILL en lui accolant une étiquette de « réponse indienne à JOHN WICK ». Certes, le principe d’un film reposant essentiellement sur un empilement de scènes de bastons dantesques opposant un vétéran des forces spéciales à une inépuisable horde de malfrats est similaire, mais ce rapprochement n’en serait pas moins mensonger. KILL a bien plus à voir avec les actioners américains des années 1980 qu’avec ses contemporains. L’affrontement entre un membre des commandos militaires indiens et un gang mafieux détroussant les passagers d’un train ravive jusqu’au souvenir d’un PIÈGE À GRANDE VITESSE (Steven Seagal allant de wagon en wagon pour botter le cul de mercenaires). C’est du moins ce qu’on pourrait penser durant les premières quarante minutes de KILL, alors lancé sur les rails d’une série B industrielle. Au moment où cette routine guette, Nikhil Nagesh Bhat change soudainement d’aiguillage, en brisant une règle d’or de ce cinéma par l’apparition tardive d’un carton générique d’avertissement : tout ceci n’était qu’un amuse-bouche. En plus de repositionner dès lors KILL sous un parrainage sud-coréen (jusqu’à avoir recruté le chorégraphe d’action Oh Se-Yeong, déjà à l’œuvre sur SNOWPIERCER, précédent huis clos ferroviaire), Bhat muscle son écriture d’inattendues dualités. La figure héroïque d’Amrit, soldat surentraîné, comme celle de Fani, rejeton survolté du gang et super-méchant de service, sont retournées comme des gants : qui des deux est une machine à tuer ? Qui est le véritable psychopathe ? L’ultra-violence serait-elle une catharsis pour une société indienne de plus en plus fracturée (toutes les classes sociales sont à bord de ce train, et elles sont plus que prêtes à en découdre avec les autres) ? De même, l’habituelle accumulation de cadavres laisse place à une incarnation du deuil via les pleurs de leurs proches. Ces enrichissements restent encombrés par les codes du cinéma populaire indien, excessifs pour des yeux européens : même réduite, la dose de romance et les éloges chantés des commandos de l’armée indienne sont une tentation de tirer le frein d’urgence. KILL n’en essaie pas moins de proposer de nouvelles voies. Pas sûr pour autant que ces dernières mènent à la destination souhaitée : Lionsgate, le distributeur américain du film, a annoncé la mise en chantier d’un remake… qui sera placé sous l’égide de l’ancien directeur de cascades Chad Stahelski, le grand ordonnateur des JOHN WICK. Aux longs-métrages suivants de Nikhil Nagesh Bhat de conforter d’intéressantes pistes, et éviter qu’elles ne déraillent.

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Sortie : 11.09.24
Réalisateur : Nikhil Nagesh Bhat
Avec : Laksh Lalwani, Raghav Juyal, Tanya Maniktala, Abhishek Chauhan
Pays : Inde
Durée : 1h45
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