CHIME
Avec son premier film d’époque, LES AMANTS SACRIFIÉS, Kiyoshi Kurosawa avait mis en scène une tragédie intemporelle. Quatre ans plus tard, le cinéaste japonais revient à l’ultra contemporanéité. Bien que de formats et de genre différents – une constante dans la carrière du cinéaste de ne pas se laisser enfermer dans la moindre case –, le moyen- métrage CHIME et le long-métrage CLOUD (en salles le 4 juin) partagent le même ADN : ils regardent le réel et l’époque à travers un filtre d’étrangeté propre à chacun, pour livrer un portrait particulièrement acéré de leurs névroses. Le plus insaisissable des deux, CHIME, invite dès son premier plan – un lent travelling vers un cadre dans le cadre – à pénétrer dans l’histoire et la subjectivité de son protagoniste. À savoir un prof de cuisine dont l’un des élèves prétend entendre un mystérieux carillon, qui va le pousser à se suicider. De là, Kurosawa déroule un récit bizarre, à la fois aseptisé, où les vivants apparaissent désincarnés comme les fantômes chers au cinéaste, et organique tant il se déploie dans un quotidien tout à fait banal. Que penser de cette histoire ? Comment expliquer ce qui s’y passe ? Difficile à verbaliser. Pourtant, CHIME crée des émotions fortes, un indéniable malaise que l’on ressent par la puissance de ses images mortifères – les sourires carnassiers, les comportements absurdes, les regards torves – ou de ses plans virtuoses. On se surprend, parfois, à être en apnée. Kurosawa use de non-sens et n’explique rien, un peu comme il convoquait Godard à ses débuts, et c’est toute la force de CHIME qui, par sa nature erratique, aléatoire et répétitive, a tout du cauchemar. Que celui-ci ressemble tant à notre monde le rend d’autant plus perturbant.
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Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
Avec : Mutsuo Yoshioka, Hana Amano, Tomoko Tabata, Seiichi Kohinata
Pays : Japon
Durée : 0h45