Cannes 2025 : WOMAN AND CHILD

23/05/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
Saeed Roustaee ne réitère pas l’exploit de LEILA ET SES FRÈRES mais avec ce WOMAN AND CHILD, il prouve que même quand c’est un peu moins bien, c’est largement au-dessus du lot.

Le geste de WOMAN AND CHILD est sans doute moins punk que celui de LEILA ET SES FRÈRES, chronique familiale coppolesque où la fille envoyait valdinguer le schéma familial iranien, de manière quasi-gratuite, pour sa propre autonomie et son propre bonheur. Ici, c’est la tragédie qui pousse au changement et ça change surtout la donne : Manhaz est veuve, elle vit avec sa mère, sa sœur, sa fille et son fils, un ado intelligent mais terriblement insolent avec le corps enseignant mais aussi en famille. Il règne en petit prince de la maison, et on lui pardonne tout, car il n’a plus son père. Manhaz ignore comment ses enfants prendront la nouvelle : elle va épouser son nouveau petit ami Hamid, un ambulancier roi de l’embrouille. Au moment où Saeed Roustaee afflige Manhaz coup sur coup d’un revers amoureux et du pire des drames, on se demande si le réalisateur iranien, récemment harcelé par le régime, ne s’est pas sérieusement asghar-farhadisé. L’écriture est rigoureuse, la mécanique d’une femme qui se heurte à des administrations sourdes et une justice inique est implacable mais ça pourrait bien ronronner comme une fable si ça continue comme ça, à ce que Manhaz arpente la ville et cherche des boucs émissaires à son malheur, de manière un peu schématique. Sauf que le sujet n’est bien sûr pas là, dans une femme qui ne voudrait pas prendre ses responsabilités mais bien ailleurs, dans une femme à qui l’on fait porter le chapeau. Roulement de tambour : c’est le patriarcat qui veut lui pourrir la vie, de manière manifeste et agressive, parce qu’elle n’est pas assez jeune, parce qu’elle est trop mère, trop prête à se recaser, trop prête à en finir, trop inquiète du sort de sa sœur et trop sûre d’elle quand elle assure qu’un homme élevé par des femmes ne sera pas comme les autres. Soudain, le parcours de Manhaz n’est plus procédurier mais méthodique. Comme la grande prêtresse d’une mythologie en train de s’écrire, elle est dévorée toute entière par la colère et tout le monde va prendre, avec divers degrés de menace ou de sévices corporels. WOMAN AND CHILD est un film de regards, pas les moins en pétard, celui de Parinaz Izadyar qui fusille – dans un plan de génie, ses yeux noirs se dévoilent doucement derrière un airbag qui se dégonfle – ou celui de la toute jeune actrice qui joue sa fille, Arshida Dorostkar, quand du haut de ses sept/huit ans elle soutient celui d’un homme adulte, qui cèdera devant elle. Bien que surprenant et jamais là où on l’attend comme dans LA LOI DE TÉHÉRAN, le récit de WOMAN AND CHILD n’est pas le plus remarquable qu’ait écrit Saeed Roustaee. Mais en matière de mise en scène, qu’il faille filmer des femmes en pleine révolution ou des hommes ourdissant leur perte, il n’a pas son pareil pour raconter les rapports de force et les questions de vie ou de mort qui enflamment son pays.

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Saeed Roustaee
Avec : Parinaz Izadyar, Payman Maadi, Sinan Mohebi, Soha Niasti
Pays : Iran
Durée : 2h11
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