Cannes 2025 : ROMERIA

23/05/2025 - Par Perrine Quennesson
Pour son troisième long-métrage, la réalisatrice catalane Carla Simón nous entraîne dans une histoire familiale autobiographique avec un geste aussi déchirant que poétique, où elle raconte le traumatisme des années Sida.

La vérité, c’est comme cet immeuble isolé au milieu d’une micro-île dans la baie de Vigo en Galice. Immanquable, évident, immense, mais il faut parfois traverser des eaux agitées pour l’atteindre. Dans ROMERIA (terme qui signifie aussi bien la fête que le pèlerinage, en fonction de là où on se trouve en Espagne), Carla Simón s’inspire de sa propre vie. Orpheline de père à 3 ans et de mère à 6 ans, tous les deux morts du Sida, elle n’a re-rencontré vraiment sa famille paternelle qu’à ses 18 ans pour récupérer des documents administratifs. C’est de ce morceau de vie qu’elle s’inspire pour ce troisième film après ÉTÉ 93 (où elle relatait déjà son enfance) et NOS SOLEILS. On y suit Marina, à peine majeure, en route vers la Galice pour rencontrer cette partie de ses origines qui lui est étrangère. Oncles, tantes, cousins, cousines et surtout grands-parents. Les rencontrer c’est aussi espérer avoir des précisions, sur la vie de ses parents, qui ils étaient, sur ce qui s’est passé. Cependant, elle se retrouve très vite face à la confusion des souvenirs, les non-dits et les hontes. En partageant, et en romançant un peu, cet épisode de son histoire, Carla Simón raconte l’après-Movida, quand la fête s’est finie, qu’on a compté les morts. La fin du régime de Franco avait ouvert dans les années 1980 une période de libération intense qui s’est accompagnée d’une violente crise de l’héroïne et du Sida. Une génération sacrifiée et un traumatisme que l’Espagne a encore du mal à confronter. ROMERIA raconte tout ça à la fois, la quête de savoir, le déni et les peines mal soignées. Il le fait à travers une héroïne éclairée, qui ne se laisse jamais surprendre. Elle sait ce qu’elle veut et ne compte pas se laisser manipuler par cette famille qui la voit comme un fantôme ressuscitant un douloureux souvenir. Marina est incarnée par Llúcia Garcia, actrice non-professionnelle qui fait ici des débuts fracassants, bouleversants, intelligents. C’est elle qui nous embarque dans ce récit sous forme de journal intime, tout le temps beau, aussi bien dans les dialogues qu’à l’image, qui culmine quand, dans un grand geste, elle nous entraîne dans une rêverie longue, poétique, à se crever le cœur. Carla Simón rappelle que le cinéma peut tout : consoler les âmes en peine, donner à voir l’absent, construire du souvenir là où il n’y a que du vide. C’est grand.

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Carla Simón
Avec : Llúcia Garcia, Tristán Ulloa, Janet Novás, Mitch, Celine Tyll
Pays : Espagne
Durée : 1h55
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