Cannes 2025 : LA OLA

18/05/2025 - Par Perrine Quennesson
Sebastián Lelio raconte le soulèvement des femmes pour la reconnaissance des violences sexistes et sexuelles commises à leur encontre, dans un film musical fou, mais coupé en deux.

Il y a deux films en un dans LA OLA. Ou plutôt, il y a deux fois le même film (ou presque) mais dans deux formes différentes qui se fréquentent sans réellement s’articuler ensemble. Nous sommes en 2018 à Santiago du Chili, la révolte gronde dans les universités. Les femmes n’en peuvent plus et elles veulent se faire entendre. Et elles se font entendre. Le film, dans ses premières minutes, propose un morceau de bravoure étourdissant qui file le frisson : dans la cour d’une université, une marée d’étudiantes s’unit par le chant et la chorégraphie pour crier leur rage face à un système éducatif qui ne fait rien pour les protéger, pire, qui s’avère parfois complice. Mais après ça, pendant une heure, le film retombe un peu. On rembobine : LA OLA s’ouvre en boîte de nuit où Julia, 20 ans à peine, embrasse un jeune homme qui la ramène chez lui. La caméra s’arrête devant la porte refermée de l’appartement, on n’en saura pas plus. Par la suite, on suit la jeune femme, étudiante en musique, qui s’apprête à passer un examen de chant. En parallèle, alors que la gronde féminine s’intensifie, elle s’implique de plus en plus dans les groupes féministes du campus au point de devenir l’une des récipiendaires attitrées des plaintes de ses consœurs harcelées, humiliées ou violées. C’est alors qu’elle commence, petit à petit, à se souvenir de cette fameuse nuit. L’année dernière, Julie se taisait dans le film quasi-éponyme de Leonardo Van Dijl (présenté à la Semaine de la Critique) ; cette autre Julia cherche et trouve sa voix dans celui de Sebastián Lelio. Le réalisateur raconte un cri, un son qui porte et fait onde de choc. Loin d’une simple répercussion de #MeToo, il raconte aussi un particularisme local, ce Chili qui avait déjà du mal à s’exprimer depuis Pinochet, ces femmes qui, en 2018, se faisaient entendre pour la première fois depuis la dictature, comme le racontait déjà très bien Patricio Guzman dans MON PAYS IMAGINAIRE en 2022. Seulement pendant une heure, sur un ton un peu badin voire outré, le long-métrage égraine les stéréotypes qui entourent les luttes féministes. Limite simpliste, voire caricatural dans les dialogues et les situations, il paraît cocher avec désinvolture une check-list de clichés et on se demande bien à quoi Lelio, quand même oscarisé pour le superbe et queer UNE FEMME FANTASTIQUE, est en train de jouer. Et soudain, alors que la fac est totalement occupée par les étudiantes déterminées et en colère, le film mute complètement. Il assume enfin sa vraie nature : la comédie musicale. Dingue, riche de sens et de formes, aussi drôle que profondément mélancolique, elle fait une relecture de la première partie dans une folie douce contagieuse et galvanisante. Elle se permet même de briser le quatrième mur pour une séquence hilarante. Même si on comprend rétrospectivement cette première partie outrancière qui préparait le terrain de la suite, on regrette qu’elle ait été aussi longue, car cette deuxième heure est ce que l’on aurait voulu voir depuis le début. Un HAIRSPRAY qui rencontre les Pussy Riots, politiquement puissant et intelligent, aussi vénère qu’émouvant.

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Sebastián Lelio
Avec : Daniela López, Avril Aurora, Lola Bravo, Paulina Cortés
Pays : Chili
Durée : 2h09
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