Cannes 2024 : VINGT DIEUX

17/05/2024 - Par Perrine Quennesson
Le premier film de Louise Courvoisier, un coming of age rural, impressionne en évitant le syndrome patrimonial et paternaliste.

Dans la vallée jurassienne, Totone, 18 ans, est connu comme le loup blanc. Fils flemmard d’agriculteur, fêtard inconditionné qui ne raterait pour rien au monde le moindre bal de village du coin avec ses copains, il est soudain rattrapé par le réel. Son père meurt dans un accident et c’est lui qui doit désormais veiller sur sa petite sœur de 7 ans. En prise avec ces responsabilités subites, il doit trouver de l’argent. C’est alors qu’il se met en tête de fabriquer le meilleur comté de la région en espérant remporter les 30 000€ remis au gagnant du concours agricole. Avec un pitch pareil, VINGT DIEUX cochait toutes les cases du drame social sur fond de ruralité, tendance misérabilisme condescendant. Mais ce serait sans compter sur Louise Courvoisier, habile capitaine de son navire qui évite avec maestria tous les écueils du genre. Ne cherchant jamais à rajouter de la misère à la tristesse, la réalisatrice tire en permanence son film vers la lumière. En ça, VINGT DIEUX a un air de LA PART DES ANGES de Ken Loach au petit goût d’AOP et de produits laitiers. Mais surtout, ce premier long-métrage (!) épate dans sa manière de portraiturer une jeunesse résiliente, débrouillarde et bienveillante. L’antidote à n’importe quel catastrophisme ambiant qui désespérait de cette dernière. Il suffit de voir la scène où, peu de temps après la disparition du père, Totone et ses copains, démunis, dansent à trois dans une cuisine sur le son de « Pepas » du portoricain Farruko. Chacun dans leur coin mais réunis dans le plan, ils se laissent aller au rythme de la musique festive quand leur esprit semble ailleurs, faisant tomber leur virilité de façade au profit d’une tendresse maladroite mais sincère qui ne les quittera plus jusqu’à la fin du film. Sans imposer un quelconque discours hasardeux et sans fantasmer la vie paysanne façon Epinal, Louise Courvoisier nous entraîne dans ce récit d’apprentissage émouvant, bercé par la lumière dorée aindinoise, dont on ressort le cœur serré, la larme à l’œil et le sourire aux lèvres. Bonus, vous apprendrez aussi à faire du Comté, et ça, ça n’a pas de prix.

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Sortie : 11/12/24
Réalisateur : Louise Courvoisier
Avec : Clément Favreau, Luna Garret, Mathis Bernard
Pays : France
Durée : 1h30
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