Cannes 2024 : UNE LANGUE UNIVERSELLE

18/05/2024 - Par Perrine Quennesson
Croisement entre Wes Anderson et Roy Andersson, UNE LANGUE UNIVERSELLE de Matthew Rankin est une fable absurde qui tourne à vide.

À Winnipeg, francophones et anglophones ne parvenant plus à s’entendre, il a été décidé que le farsi deviendrait la langue officielle. Tout le reste est à l’avenant dans UNE LANGUE UNIVERSELLE de Matthew Rankin. Avec un air de dorica castra façon « Trois p’tits chats », le film nous entraîne dans une histoire rocambolesque qui fait se croiser deux jeunes filles, Negin et Nazgol, qui trouvent un billet prisonnier de la glace et cherchent à l’en libérer ; un guide, Massoud, qui balade les touristes à travers les monuments et sites historiques les plus loufoques de la ville ; ou encore Matthew qui quitte son travail à Montréal pour revenir à Winnipeg voir sa mère. Avec son timing absurde quasi-kafkaïen et son sens du cadre, à la fois symétrique, plutôt éloigné de ses personnages et fixe, le réalisateur semble être le rejeton canadien de Wes Anderson et Roy Andersson. Mais c’est surtout avec deux héritages, géographiquement éloignés, qu’il semble beaucoup s’amuser. D’abord, le cinéma de Winnipeg. La petite ville du Manitoba est le berceau d’un certain nombre de cinéastes tous passionnés par le pas de côté, l’étrange, l’ubuesque : Guy Maddin ou Mike Maryniuk et Noam Gonick partagent avec Matthew Rankin le grain de folie propre à ceux qui ont grandi dans une ville qui ressemble au bout du monde, entre neige à gogo et architecture brutaliste, à la fois indatable, fascinante et écrasante. Il lui conjugue un certain cinéma iranien, celui qui a vu naître notamment Abbas Kiarostami : l’Institut Kanoon. Une société de production de Téhéran destinée principalement aux enfants et aux adolescents, véritable institution en Iran. De là sont sortis quelques grands noms du cinéma local, comme Kiarostami précédemment cité mais aussi Ebrahim Forouzesh (LA JARRE), Amir Naderi (LE COUREUR) ou la figure de l’animation Noureddin Zarrinkelk (THE MAD MAD MAD WORLD). Cet institut/laboratoire d’expérimentation a comme particularité de produire des histoires visibles dès le plus jeune âge mais dont les sujets peuvent être hautement politiques et dont le rôle est d’éduquer le regard. L’aspect enfantin est bien présent dans UNE LANGUE UNIVERSELLE, c’est le reste qui manque. L’entreprise doux-dingue, charmante au demeurant, tourne à vide et exploite, à l’envi et sans vraiment s’y intéresser, des thématiques un peu éculées comme l’écrasement de la bureaucratie, l’opposition grande ville / province ou encore la mesquinerie des adultes face à l’innocence de l’enfance. À l’instar de « Trois p’tits chats… », au bout d’un moment on se lasse ou on tourne en rond. 

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Matthew Rankin
Avec : Rojina Esmaeili, Saba Vahedyousefi, Mani Soleymanlou
Pays : Canada
Durée : 1h29
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