Cannes 2024 : PARTHENOPE

23/05/2024 - Par Aurélien Allin
Boursoufflé, complaisant et auto-parodique, Paolo Sorrentino passe à côté de sa sublime histoire et de son immense personnage pour lui préférer les circonvolutions d’une forme qui épuise et s’épuise.

Selon la mythologie grecque, Parthenope est le nom d’une sirène dont le sacrifice a permis la fondation de Naples. Chez Paolo Sorrentino, elle est une femme née en 1950 dont on va suivre le parcours jusqu’en 2023. Brillante, elle suit des études d’anthropologie qu’elle réussit avec une aisance déconcertante et traverse les années, d’expérience en expérience, cherchant à se confronter au monde pour lui trouver du sens, pour se trouver du sens, et surtout trouver sa place, son moment pour vivre. A l’instar de son mythique homonyme, la Parthenope du film est née dans l’eau et comme cet élément, elle est insaisissable, mystérieuse et fascinante. Une beauté absolue dont on ne peut détourner les yeux. On a un peu l’air d’insister mais il faut dire que Paolo Sorrentino aussi. Dans PARTHENOPE, hommes comme femmes (mais surtout hommes, quand même) ainsi que la caméra du cinéaste, passent leur temps à regarder cette femme, à la fixer, à la déshabiller de leurs yeux, de leurs mains. Elle est l’objet de toutes les convoitises, de tous les désirs, de toutes les projections. Si c’est un peu (beaucoup) la « male gaze party », cette exagération montre aussi la manière dont ce regard masculin – et ce n’est pas révolutionnaire, mais c’est bien de le dire – façonne et abuse la manière dont les femmes se perçoivent. Parthenope essaye de se libérer de lui, de le dominer, de le manipuler, de le casser par des réparties aussi drôles que cinglantes, mais rien n’y fait, elle est la prisonnière condamnée par ces œillades plus ou moins discrètes qui la jugent. À l’exception de son professeur, un homme dur, peu impressionnable, qui voit en elle par-delà sa beauté, éphémère par essence. Car c’est aussi ça dont parle le cinéaste : la jeunesse, la beauté, l’insolence de l’inconscience, toutes ces qualités qui ne peuvent durer avec le temps qui passe. Si on dit que Rome est la ville éternelle, avec PARTHENOPE, Paolo Sorrentino fait de sa ville natale, corporalisée par son héroïne, celle du fugitif, de l’instantané dont le souvenir lui est impérissable. C’est sublime. Mais il y a comme un effet de déjà-vu. La rencontre du grotesque et du grandiose, du profane et du sacré, de l’insignifiant et du crucial : tout cela était déjà dans LA GRANDE BELLEZZA. La jeunesse et le périssable, c’était YOUTH. Naples et ses habitants façon Fellini, c’était LA MAIN DE DIEU. PARTHENOPE est un medley boursouflé où le cinéaste italien ressasse des formes, des idées à l’envi et à la limite de l’auto-parodie. Les images (superbes, c’est le minimum) sont étirées, insistantes, complaisantes et Paolo Sorrentino de se perdre dans la forme devenue gimmick au détriment d’une histoire, devenue, elle, résiduelle. Dommage, il avait, pour une fois, un personnage féminin en son centre. Et quel personnage ! Celui d’une femme trop lucide pour son propre bien, une force de l’esprit dont le cœur n’a jamais pu trouver le chemin de l’expression. Une scientifique à l’œil aussi vif sur le monde qui l’entoure, que celui de ceux qui la scrutent est torve. Quel gâchis. 

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Paolo Sorrentino
Avec : Celeste Dalla Porta, Stefania Sandrelli, Gary Oldman
Pays : Italie
Durée : 2h16
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