Cannes 2024 : MOTEL DESTINO
Charnel, sensuel et sensoriel, le cinéma de Karim Aïnouz l’a toujours été avec, en apogée, le splendide LA VIE INVISIBLE D’EURIDICE GUSMAO. Il ne surprend donc personne en s’attaquant à un genre où le désir occupe une place centrale, intimement lié à la pulsion de mort : le film noir. Heraldo veut quitter sa région côtière pour Sao Paulo. Mais avant, la matrone pour qui il travaille lui donne une mission : cambrioler un Français qui lui doit de l’argent. La chose tourne mal et le jeune homme se planque dans un love hotel, dont la gérante ne le laisse pas insensible… Ici, devant la caméra de Hélène Louvart qui capte les lieux dans un splendide 16mm granuleux et organique qui semble laisser transpirer la chaleur de l’écran, tout est sexe. Le protagoniste baise à peu près toutes celles qu’il croise. Les clients du Motel Destino baisent. Même les ânes dans la cour baisent. Ceux qui ne baisent pas, aimeraient bien. Des films X passent à la télé. Et les râles exagérés de jouissance des clients du Destino envahissent l’arrière-son de la moitié des scènes, de jour comme de nuit. Qu’Aïnouz le filme comme l’acte le plus commun et instinctif, qu’on exécute entre deux portes pour assouvir une pulsion soudaine, ou comme un cérémonial étrange, presque étranger – un trio de clients que Heraldo et son patron observent par une lucarne, baignés d’une lumière rouge –, le sexe est partout, dans chaque cadre, dans chaque esprit. Il est le moteur du récit et de la mise en scène. Pourtant, MOTEL DESTINO ne parvient jamais à rendre intéressante – plastiquement, narrativement, émotionnellement – cette effusion des corps, cette imbrication permanente de sueur, de sang et de foutre. Peut-être justement parce que le sexe contamine chaque photogramme, il n’en devient que trivialité, Karim Aïnouz ne parvenant qu’à en capter les rouages mécaniques, qu’à mettre en exergue la nature bassement concupiscente du désir, sans jamais réifier à l’écran ce qu’il a de mystérieux et d’intangible. Parce qu’il semble en quête d’une abstraction sensorielle, Karim Aïnouz sous-écrit sa trame narrative, qui demeure pourtant trop terre-à-terre pour porter pleinement ses ambitions. Insuffisamment fouillée ou surprenante, déployant les schémas habituels des films de triangle amoureux criminel – des DIABOLIQUES de Clouzot au FACTEUR SONNE TOUJOURS DEUX FOIS de Tay Garnett en passant par DÉSIRS HUMAINS de Fritz Lang –, son intrigue désintéresse, en cela peu aidée par une interprétation plus que fragile. Une succession de maladresses à l’image de l’incapacité du film à incarner ses thématiques – le déterminisme et ses conséquences – autrement que par des dialogues explicatifs en fin de récit. Un faux pas d’un cinéaste qui vaut bien mieux.
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Réalisateur : Karim Aïnouz
Avec : Iago Xavier, Nataly Rocha, Fábio Assunção
Pays : Brésil
Durée : 1h55