Cannes 2024 : MI BESTIA
Considéré comme le pays le plus violent du monde dans les années 1990, la Colombie connaît l’un de ses pics de criminalité en 1996. C’est dans ce contexte que Camila Beltran pose son premier film, MI BESTIA, alors que la « Lunada », à savoir une éclipse de lune, est imminente. Le bruit court dans Bogota que le Diable arrive et qu’il devrait s’en prendre aux jeunes filles. Mila, une adolescente, sent qu’on l’observe différemment et se demande si son corps en transformation ne serait pas lié à l’événement astronomique. Avec son cadre fascinant, voire mystique, le film installe une ambiance paranoïaque, angoissée, semblant prendre le pouls d’une nation terrorisée, inquiète de ce dont elle est capable et cherchant des réponses, ou des coupables, dans la superstition, tentant de donner un sens presque mythologique à l’inévitable violence qui la gangrène. La réalisatrice place son curseur du côté du féminin, victime systémique désignée de la violence des hommes, et y puise un coming-of-age, à priori rebelle, mais malheureusement un peu éculé, en particulier ces dernières années où se sont succédés TEDDY, LE REGNE ANIMAL ou, plus particulièrement, TIGER STRIPES. Adolescence, transformation du corps et animalité comme une sainte trinité rejouée à l’envi avec plus ou moins de succès. Ici, le film a des allures de série B expérimentale notamment grâce à son dispositif cinématographique. En effet, Camila Beltran utilise le « shutter », un procédé qui provoque une déformation du mouvement, où l’image paraît à la fois saccadée et roulante, comme si chaque photogramme continuait de hanter le suivant. Et c’est le chef opérateur Sylvain Verdet, fidèle de Sébastien Betbeder et de Clément Cogitore, qui s’y colle après l’avoir déjà, notamment, expérimenté avec succès dans GOUTTE D’OR. Lorsqu’il est utilisé avec parcimonie, ce mécanisme produit un effet stupéfiant, malaisant et fantomatique. Le souci avec MI BESTIA est que c’est l’entièreté du long métrage qui est filmé ainsi, rendant l’ensemble assez illisible. S’il est toujours intéressant de voir une œuvre au parti-pris formel aussi fort, le résultat laisse cependant sur la touche, aussi impénétrable qu’épuisant.
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Réalisateur : Camila Beltran
Avec : Stella Martinez, Mallerly Murillo, Héctor Sánchez
Pays : Colombie
Durée : 1h16