Cannes 2024 : LE ROYAUME

20/05/2024 - Par Perrine Quennesson
Premier long métrage du cinéaste corse Julien Colonna, LE ROYAUME nous entraîne dans les méandres meurtriers d’une Île de Beauté à feu et à sang à travers le regard aimant d’une fille pour son père.

En 2021, Jonas Carpignano présentait à Cannes le superbe A CHIARA, récit d’une jeune fille qui découvrait les activités mafieuses de son père. Si cette dernière décidait au bout du compte de tourner le dos à ce milieu qui l’avait vu grandir, à son insu, ce n’est pas exactement le cas de Lesia, la jeune héroïne du premier long métrage de Julien Colonna, LE ROYAUME. À l’instar de Chiara, Lesia, une quinzaine d’années, mène la vie ordinaire d’une ado de son âge : sorties avec les potes, dragouillage de petit copain, bronzette sur la plage et éviscération de sanglier. Mais cet été-là de 1995, tout bascule. Emmenée dans une maison paumée sur un autre coin de l’Île de Beauté, son père, Pierre-Paul, l’y attend, entouré de tous ses hommes de main. Si Lésia n’était pas dupe des activités mafieuses et claniques de son babbu, cette fois-ci l’heure est grave et c’est jusqu’au cou qu’elle se retrouve immergée dans cette vie de fuite et de coups d’éclat. Si l’on pense évidemment au PARRAIN, Lésia pouvant être vue comme un croisement entre Michael et Mary Corleone, pour son premier film le réalisateur Julien Colonna ne fait, lui, pas le choix de la flamboyance. Bien ancré dans le naturel des décors (sublimes) de l’Île de Beauté et son casting 100% local, le cinéaste corse préfère le réalisme, ne cherchant pas à rendre spectaculaire cette période noire qu’a traversé l’île, d’Ajaccio à Bastia, dans les années 1990, où se sont opposés clans mafieux, nationalistes et État français. Au contraire, à l’instar des récents films qui traitent de la mafia, de A CHIARA à GOMORRA, en passant par LE TRAÎTRE, il fait la chronique de la mort annoncée d’un système qui se mord la queue, d’une violence qui ne peut trouver son extinction que dans le choix individuel ou l’annihilation totale. Pas de gagnant ou pas de survivant. Si cette violence est omniprésente dans le film, elle n’est que peu montrée, souvent reléguée en arrière-plan à des reportages télévisés qui rappellent ceux que l’on pouvait voir à l’époque au JT, mais qui gagnent ici en contexte. Lorsque cette violence survient, elle est rapide, clinique, implacable, terrifiante, tragique. Car c’est aussi ça que nous raconte Julien Colonna. En faisant du cœur battant du ROYAUME, une relation père-fille émouvante qui tente de se construire malgré tout et surtout malgré la cavale, le réalisateur propose une tragédie intemporelle qui résonne cependant très fort avec le contemporain.

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Sortie : 30/10/24
Réalisateur : Julien Colonna
Avec : Ghjuvanna Benedetti, Anthony Morganti, Thomas Bronzini de Caraffa
Pays : France
Durée : 1h48
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