Cannes 2024 : EVERYBODY LOVES TOUDA

17/05/2024 - Par Perrine Quennesson
Après la jeunesse de HAUT ET FORT, Nabil Ayouch revient à un sujet plus proche de MUCH LOVED pour traiter à nouveau de la condition féminine au Maroc.

Au son des darkoubas et du rebab, une voix s’élance. Un chant de révolte, un cri rassembleur, une aïta. Au milieu de nulle part au Maroc, une femme chante pour des hommes qui dansent, s’avinent et finissent par ne plus se tenir. À la joie succède la peur, la fuite et finalement l’horreur. Avec son ouverture, Nabil Ayouch, habile, résume l’entièreté de son film. Touda rêve de devenir un Cheikha, une artiste aux chansons affranchies des codes de bonnes conduites de la société locale, séduisantes, sans pudeur, aux paroles transgressives, transmises de génération en génération, qui évoquent aussi bien le plaisir que la révolte. Des chanteuses autant admirées que honnies. Figure féministe jugée coupable de mœurs légères, la Cheikha incarne toute l’hypocrisie et la violence d’une société patriarcale qui apprécie cette femmes sensuelle et libre, mais lui rappelle brutalement sa place si jamais elle s’imaginait être l’égale de l’homme. Objet de désir, objet d’admiration, objet de convoitise et objet tout court, la Cheikha rappelle les héroïnes de MUCH LOVED, l’un des précédents longs métrages du cinéaste franco-marocain. Un peu trop peut-être, au point parfois d’avoir une sensation de déjà-vu, autant dans la critique du pays que dans la narration. Mais cette fois, Touda est seule. Mère célibataire d’un petit garçon muet, elle rêve de gloire et de vivre de son art. Seulement, par un phénomène circulatoire où seul le décor change – on passe de la campagne à la ville de Casablanca – la chanteuse enchaîne les déconvenues et prend de plein fouet, jusque dans sa chair, l’ultra-violence misogyne de la société marocaine dépeinte par Nabil Ayouch. Un peu répétitif, le film n’est jamais meilleur que lorsqu’il laisse la place à la musique, lorsqu’il se concentre sur cette femme illettrée qui ne fait qu’un avec ses textes, qui chante/crie son âme à chaque mot qu’elle prononce, parfaitement interprétée par Nisrin Erradi (ADAM). Hommage à la transmission de la parole et à la résilience, EVERYBODY LOVES TOUDA pèche par son fatalisme, ne laissant aucune porte entrouverte à son héroïne accablée à qui l’on reprocherait presque d’avoir rêvé trop fort. 

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Sortie : Prochainement
Réalisateur : Nabil Ayouch
Avec : Nisrin Erradi, Joud Chamihy, Jalila Tlemsi
Pays : France / Maroc
Durée : 1h42
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