Cannes 2024 : CHRISTMAS EVE IN MILLER’S POINT

Une musique orchestrale invoquant les fantômes du Hollywood classique. Puis une reprise de « Fools Rush In », tube rincé par d’innombrables versions, notamment par Sinatra ou Elvis. En deux instants musicaux ouvrant l’un à la suite de l’autre son film, Tyler Taormina semble convoquer deux pans de la culture populaire américaine et, par ricochet, ce qu’elle draine d’images d’Epinal de l’American Way of Life. Comme si Capra et Vegas allaient cohabiter. Ce mode de vie, censé honorer la famille et l’esprit de corps, se retrouve au centre de CHRISTMAS EVE IN MILLER’S POINT, dont le récit est, comme son titre l’indique, circonscrit au réveillon et à la nuit de Noël. Une grande famille italo-américaine se réunit pour les fêtes dans la maison de la matriarche. Le temps d’une soirée, ils mangent, boivent, discutent, rattrapent le temps perdu, se disputent aussi, un peu – la mère doit-elle aller en maison de retraite ? –, regardent de vieilles vidéos de mariages et d’anniversaires d’antan. Là passent les rêves des uns, les regrets des autres. Les souvenirs de tous. Et après ? Après, pas grand-chose. Tyler Taormina aime l’impressionnisme. Sauf qu’en dépit de l’universalité de ce qu’il filme, la mécanique ne prend jamais vraiment, tant le tout manque cruellement de dramaturgie. Les pistes lancées ici ou là pour raconter cette famille et cette ville s’évanouissent toutes les unes après les autres immédiatement après avoir été ouvertes. Le cinéaste tente la carte de l’incongru – le passage d’un camion de pompier lumineux que tout le quartier admire – ou de l’errance – les ados se font la belle et arpentent les rues désertes de leur bourgade. N’en ressort pourtant aucune poésie, aucune mélancolie palpable, juste la vitrine d’une intention, car aucune scène n’a la possibilité de créer une chose ou d’amener vers une autre, chaque moment comme figé dans sa propre existence. Si bien que CHRISTMAS EVE IN MILLER’S POINT, aussi bien dans sa re-création d’un Noël de carte postale que dans ses élans indé, prend les atours de ces faux films que l’on voit parfois dans les vrais. Le pire étant que Tyler Taormina a sans doute suffisamment de recul pour en être parfaitement conscient.