Cannes 2024 : CAUGHT BY THE TIDES

Sur un petit peu plus de vingt ans, entre 2001 et 2022, l’histoire d’amour contrariée entre un homme et une femme. Lorsque le premier décide de quitter subitement leur région industrielle du Nord de la Chine, la deuxième part à sa recherche pour le retrouver… Avec CAUGHT BY THE TIDES, Jia Zhang-ke embrasse une méthode de confection peu ordinaire : il s’est plongé dans 20 ans d’images accumulées sur les prises de vues de ses films et, avec l’ajout de scènes tournées pour l’occasion, en tire un nouveau projet. Si CAUGHT BY THE TIDES met en scène l’héroïne des ÉTERNELS, Qiao Qiao, et s’il arpente, via ses décors, une partie de la filmographie passée de Jia (STILL LIFE notamment), le film n’est pas pour autant un remix. Avec une histoire entièrement nouvelle, il apparaît davantage comme une contemplation autour de l’évolution de la Chine, à travers le cinéma de Jia. On assiste ainsi, entre des images DV granuleuses du tout début des années 2000 à celles captées en 2023 dans un numérique immaculé, à la croissance exponentielle et à la transformation radicale de la Chine en eldorado du libéralisme. La démarche peut envoûter, elle peut tout autant laisser au bord de la route, tant Jia livre guère de clés au spectateur pour appréhender pleinement ce qu’il voit. CAUGHT BY THE TIDES surfe parfois avec grâce sur le trouble qu’il cultive entre fiction et réalité, passé et présent, mais finit aussi souvent par se heurter à la nature hermétique de son errance. Pourtant, en dépit de sa langueur extrême, CAUGHT BY THE TIDES ne laisse jamais totalement indifférent. Lorsque dans son dernier tiers, Jia Zhang-ke étreint pleinement le romanesque de son histoire, le film semble enfin atteindre son plein impact. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ? Sur un même mode introspectif liant son œuvre au destin de son pays, Lou Ye parvient avec AN UNFINISHED FILM à un objet plus singulier, plus surprenant et, au final, plus touchant.