Cannes 2024 : 3 KILOMÈTRES JUSQU’À LA FIN DU MONDE
Un soir d’été, alors qu’il est en vacances chez ses parents dans son village natal, Adrian, 17 ans, se fait violemment tabasser. La raison de l’agression ne va pas tarder à être révélée : le jeune homme est homosexuel et a été vu en train d’embrasser un garçon. De ce postulat, le cinéaste roumain Emanuel Parvu déroule, avec une certaine précision, une spirale infernale dans laquelle la victime se retrouve pointée du doigt. Adrian, parce que gay, est fautif. Vivre en ville l’a « détraqué », il est « malade » – peut-être même est-ce le vaccin contre le Covid qui l’a contaminé ? « Imagine si ça se sait, dit un parrain local. Tous ces dégénérés vont venir en vacances ici ». Les pires horreurs se déversent et les parents d’Adrian, guère plus compréhensifs, ne font pas mieux et tentent de faire revenir leur fils dans ce qui, pour eux, est le droit chemin. La mécanique est évidemment implacable, cauchemardesque – une scène de prière exorciste reste la plus forte du film. Elle démonte autant les rouages de la corruption que le poids écrasant de l’Eglise dans ce que subit Adrian, mais aussi comme vecteurs de l’incapacité de ses parents à le protéger au-delà de leur propre système de pensée. Parvu manie autant les plans fixes pesants que des master shots discrètement en mouvement, où un jeu de mise au point vient examiner les divers regards sur une scène. Pourtant, en dépit de son histoire et de sa démonstration, où ce village sert d’allégorie à la société roumaine toute entière, 3 KILOMÈTRES JUSQU’À LA FIN DU MONDE se révèle comme prisonnier d’une méthode, roide et cérébrale, déjà vue ailleurs – notamment chez Mungiu – de manière souvent plus frappante et marquante. L’intention est inattaquable, le geste de cinéma n’en manque pas moins de singularité et, au final, d’impact.
Partagez cette chronique sur :
Réalisateur : Emanuel Parvu
Avec : Bogdan Dumitrache, Ciprian Chiujdea, Laura Vasiliu
Pays : Roumanie
Durée : 1h45