BLITZ

19/11/2024 - Par Aurélien Allin
1940. Sous les bombes allemandes, un gamin métis tente de retrouver sa mère dans Londres. Steve McQueen fait son EMPIRE DU SOLEIL. Terrassant.

Avec BLITZ, Steve McQueen effectue une fusion entre les pans expérimentaux de HUNGER ou OCCUPIED CITY et l’intention plus généreuse des VEUVES ou de certains segments de SMALL AXE. En 1940, alors que l’armée allemande pilonne Londres, Rita, qui participe à l’effort de guerre dans une usine, envoie George, son fils métis, dans un foyer à la campagne pour le protéger de la guerre. Mais à peine son train a-t-il atteint la campagne que le garçon saute en marche et débute un périple pour retrouver sa famille à Londres… La mise en parallèle de ces deux trames, l’une sur Rita, l’autre sur George, distord le temps : quand la mère verbalise la fuite de son fils, elle a quelques heures seulement mais le garçon a déjà vécu une multitude d’aventures et de drames. Ainsi McQueen parvient à pousser habilement tous les curseurs grâce au regard dénué d’expérience d’un enfant et mène par instants BLITZ vers une quête d’abstraction. Visuelle, tout d’abord – la lutte chaotique de pompiers contre le feu, des bombes anonymes qui tombent du ciel, des inserts d’images indistinctes en noir et blanc. Sonore, surtout – la partition d’avant-garde de Hans Zimmer, une de ses plus fortes, transforme les sons diégétiques en musique et inversement, le plus souvent pour en accroître la portée effroyable. Loin d’instaurer une distance, cette recherche formelle jalonnée d’images d’une puissance ahurissante fait du film, de son décor et de ses personnages une matière vivante et organique qui mute à mesure que les bombes frappent et détruisent alors que les humains tentent de sauver et reconstruire. En émerge la part la plus surprenante, et sans doute la plus frappante de BLITZ : loin d’être le cinéaste froid et clinique que d’aucuns décrivent parfois, McQueen n’a pour autant jamais versé à ce point ouvertement dans le sentiment. Les aventures de George sont certes frappées par la violence, la mort, la faim et le racisme, à mi-chemin entre les récits de Charles Dickens et Pinocchio, et elles le mènent à une conscience terrible de la cruauté du réel. Et même si le garçon voit le « truc » derrière un spectacle de marionnettes, si la réalité crasse du racisme le confronte à son identité, McQueen ne balaie jamais toute idée de merveilleux. Il prend soin de mettre en scène des moments de fraternité, d’entraide, voire d’utopie humaniste. Avec cette charge sentimentale, BLITZ évite les écueils du « film-mémoire », puis, en insufflant une notion de suspens à sa conclusion, Steve McQueen assène que, depuis 85 ans, l’humanité traverse inlassablement les mêmes images de destruction et de mort, toujours et encore.

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Sortie : 09.11.24 en salles / 22.11.24 sur Apple TV+
Réalisateur : Steve McQueen
Avec : Elliott Heffernan, Saoirse Ronan, Benjamin Clementine, Paul Weller
Pays : Grande-Bretagne
Durée : 2h
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