BABYGIRL

15/01/2025 - Par Emmanuelle Spadacenta
La relation cochonne, interdite mais sublime entre une femme d’affaires et son stagiaire dans une inversion des rôles presque drôle. Surprenant et très intelligent.

EYES WIDE SHUT avait imposé Nicole Kidman comme une actrice courageuse et ça ne s’arrange pas avec l’âge ! Vingt-cinq ans après Kubrick, elle est encore parmi les plus téméraires et intègres d’Hollywood joignant sans cesse le geste à la parole : donnant du poids à son discours féministe, elle a collaboré avec quinze réalisatrices en sept ans, partant à la découverte de metteuses en scène dans le monde entier et les approchant parfois même si elles n’ont qu’un seul long-métrage sous le coude. C’est ce qui s’est passé avec la Néerlandaise Halina Reijn, appelée par l’actrice après son premier film, le sulfureux INSTINCT. Ainsi Reijn lui a-t-elle écrit BABYGIRL, avec une spontanéité qui, après tout, aurait pu refroidir Kidman. Le rôle qu’elle lui invente ? Celle de Romy, une intraitable présidente d’entreprise, refusant de vieillir et injectée de botox, qui laissera libre cours à ses fantasmes de soumission quand elle rencontrera un jeune stagiaire. Un personnage qui force à jouer avec l’ancienne image de star glaciale et retouchée, à assumer son âge et à se mettre à nu. À l’instar du regard que porte Coralie Fargeat sur Demi Moore dans THE SUBSTANCE, Halina Reijn (une autre réalisatrice européenne, comme par hasard) utilise, dans un geste postmoderne fascinant, l’icône Kidman non pas pour la trivialiser mais pour la libérer du regard hollywoodien et du male gaze. La statuesque Australienne, puissante actrice de la Liste-A, est mise à genoux, à plat ventre, doit jouir bestialement en gros plan. La technique, elle, est au service de l’émotion, jamais du voyeurisme. Dans ces luxueux immeubles de bureaux qu’on connaît bien des thrillers érotiques des 90’s (HARCÈLEMENT, BASIC INSTINCT…), l’organigramme ne dicte plus les relations de pouvoir. Allez comprendre comment Sam, stagiaire, en arrive à savoir que la CEO de sa boîte a besoin et très probablement envie qu’on la domine. La dimension quasi-surnaturelle de ce personnage – Harris Dickinson et sa performance douce et charnelle sont les grands oubliés de la saison des awards – illustre savamment l’épiphanie de cette femme qui, à plus de 50 ans, après deux enfants et malgré un mariage heureux, va enfin apprendre à se connaître. Ça passe par la tendresse, le consentement, la main tendue d’une génération à une autre, des mensonges et un peu de sadomasochisme. Voilà un grand film, ludique, sexy et cérébral, sur ce que les femmes s’interdisent : manger dans la main d’un homme pour Romy, une augmentation pour son assistante (Sophie Wilde)… L’heure de la revanche a sonné pour celles à qui l’on a trop demandé d’être sages.

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Sortie : 15.01.25
Réalisateur : Halina Reijn
Avec : Nicole Kidman, Harris Dickinson, Antonio Banderas, Sophie Wilde
Pays : États-Unis
Durée : 1h48
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