A HOUSE OF DYNAMITE
Que se passerait-il si un missile à ogive nucléaire menaçait de s’écraser aux États-Unis ? Avec A HOUSE OF DYNAMITE, Kathryn Bigelow ambitionne d’exposer avec le plus de précision possible les rouages de la réaction américaine. Identifier et confirmer la menace, sa cible potentielle et les dommages, la contrer avec l’envoi d’anti-missiles, s’interroger sur sa source, sur la réplique à engager et ses conséquences. À travers une galerie de dizaines de personnages allant de généraux au Président en passant par de simples agents administratifs ou du renseignement, chacun ayant sa mission codifiée dans l’organigramme de la bureaucratie politico-militaire, Bigelow dissèque la situation. Avec, en ligne de mire, un constat simple mais effrayant : la défense américaine est une poudrière ; un colosse aux pieds d’argile qui, s’il s’effondre, entraînera avec lui la planète entière. « Après la Guerre Froide, le consensus voulait que le monde serait plus sûr avec moins d’armes nucléaires. Cette ère est révolue », nous dit ainsi un carton d’introduction. Portées par un rythme implacable, une caméra scrutatrice typique du chef opérateur Barry Ackroyd (déjà aux manettes de DÉMINEURS), un souci obsessionnel du détail et la prestation hantée de Rebecca Ferguson, les trente premières minutes de A HOUSE OF DYNAMITE dilatent le temps avec brio et imposent une ambiance furieusement anxiogène. Une efficacité entièrement au service du propos de Bigelow. Problème : la cinéaste interrompt subitement le récit pour le rebooter et exposer un autre point de vue, stratagème putassier qui étire artificiellement le suspense. La deuxième partie, bien que redondante, comporte elle aussi son lot d’informations utiles mais le ver est déjà dans le fruit. Il ne tarde pas à le gangréner entièrement quand Kathryn Bigelow réédite pour une troisième partie qui, elle, n’est que redite et vaines images choc. Ainsi, de chapitre en chapitre, chacun moins efficace et intéressant que le précédent, A HOUSE OF DYNAMITE laisse apparaître son manque patent de courage, voire son hypocrisie. Insistant lourdement sur son authenticité – des plans sur les photos d’Obama dans la situation room lors de l’attaque sur Ben Laden ou des mentions à l’Ukraine l’insèrent même dans notre réalité –, le film détourne son regard des dangers qui rongent l’Amérique depuis dix ans, prenant sans doute pour excuse d’avoir été écrit avant la réélection de Trump. Commode, mais contre-productif : avec sa vision angélico-conservatrice très 90’s de l’Amérique, A HOUSE OF DYNAMITE n’est au final qu’un banal thriller aux ficelles élimées.
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De : Kathryn Bigelow
Avec : Rebecca Ferguson, Idris Elba, Tracy Letts, Jason Clarke
Pays : États-Unis
Durée : 1h52
