L’ÂME IDÉALE
« Je vois des gens qui sont morts ». La formule devenue culte et galvaudée grâce au SIXIÈME SENS de M.Night Shyamalan est sûrement beaucoup moins drôle quand on en fait vraiment l’expérience. Depuis toute petite, Elsa voit des fantômes. Des gens en attente, incapables de quitter notre monde, qui hantent notre quotidien. Souvent, elle les aide à passer de l’autre côté, les apaisant d’un mot, rétablissant ce lien rompu avec la vie, pour mieux les aider à accepter leur mort. Alors, forcément, ça isole. Elsa est seule, résignée, à 40 ans, à mettre ce secret au service des autres en silence, dans l’unité de soins palliatifs dans laquelle elle travaille. En quelques scènes, justes et rythmées, la réalisatrice Alice Vial donne le ton. Du fantastique et du sentiment, tout ça dans un film d’aujourd’hui. Dans les pas énergiques de son héroïne, le film installe son écriture alerte et moderne. En quelques scènes, Elsa existe fort. Ses blessures, sa résilience, son don bizarre, ses patients. Tout sonne « juste » et « cinéma » en même temps. Grâce à la justesse rare de Magalie Lépine Blondeau qui trouve, après SIMPLE COMME SYLVAIN et LA NUIT OÙ LAURIER GAUDREAULT S’EST RÉVEILLÉ, un nouvel écrin de cinéma qui lui va parfaitement. Quand elle croise la route d’Oscar, elle se laisse aller le temps d’une nuit. Sauf qu’Oscar n’est pas aussi vivant qu’elle le pensait. Et il n’a pas l’air de le savoir… De ce postulat romantico-fantastique, on aurait pu tirer une romance à gags, charmante mais oubliable. L’ÂME IDÉALE va plus loin. Les tours et les détours que ces deux-là vont prendre n’auront de cesse de surprendre et de toucher par la profonde douceur et mélancolie d’un film sur l’art délicat de prendre soin des autres. Jouant au départ du quiproquo sans jamais forcer la comédie, intelligemment, le film mute vers quelque chose de plus intime, plus douloureux, plus universel. Tornade comique, Jonathan Cohen rappelle le merveilleux comédien qu’il est, dans des partitions plus en retenue. Les ratés, les regrets, les impasses, les oublis, tout ce qui fait le chemin d’une vie passe à travers le regard de ces deux-là. Un pur duo de cinéma, la rencontre chimique d’une actrice et d’un acteur. Drôle quand il faut l’être, L’ÂME IDÉALE devient soudain bouleversant mais jamais tout à fait, exactement comme on l’attend. C’est dans ce portrait de vies en stand-by, dans la façon qu’ont ces deux personnages abîmés de prendre soin l’un de l’autre que l’émotion survient. Un geste, une phrase et sans effet, Alice Vial touche juste. Beau, drôle et profondément émouvant, ce premier long-métrage risque de vous accompagner longtemps après la séance.
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De : Alice Vial
Avec : Magalie Lépine Blondeau, Jonathan Cohen, Florence Janas, Jean-Christophe Folly
Pays : France
Durée : 1h35
