SILVER STAR

Un duo de choc : Grace Van Dien (fille de Casper Van Dien et arrière-petite-fille de Robert Mitchum, par sa mère Carrie Mitchum) et Troy Johnson (ON MY BLOCK) dans les rôles de Franny et Billie. La première, à peine majeure et enceinte jusqu’au cou, vient de se faire virer de son boulot pour avoir fait fumer de l’herbe thérapeutique à une mamie ; la seconde sort de prison et découvrant les gros ennuis financiers de ses parents, décide de braquer une banque. L’une, hyper féminine et toujours en train de jacter, devient l’otage de l’autre, mutique et franchement mal vissée. En cavale, à pied, à cheval ou en voiture, elles sont une version ébouriffante et ultra-moderne de Thelma et Louise, libérées de l’entrave des mecs – on est dans un pur post-féminisme – mais maintenues la tête sous l’eau par une Amérique qui ne fait pas de cadeau et les a abandonnées. Billie par exemple voit son père vétéran crouler sous les factures de santé… Cette jeune afro-américaine, figurante sur des scènes de reconstitution de la Guerre de Sécession, a appris le racisme systémique à la dure ; il ne faut donc pas lui demander de sourire à la vie. Ruben Amar et Lola Bessis, les deux cinéastes français derrière SILVER STAR, ne se cachent pas derrière leur petit doigt : inspirés par le très contestataire Nouvel Hollywood, ils ont fait un film à la forte dimension sociale et porté par des personnages qui sont bel et bien les produits d’une Amérique individualiste. Ils citent Jerry Schatzberg (L’ÉPOUVANTAIL), Robert Altman (TROIS FEMMES) ou encore Bob Rafelson (FIVE EASY PIECES) – le cinéma de Rafelson étant l’influence la plus prégnante, notamment visuellement – comme modèles ; on voit bien sûr le mariage du film de cavale avec le western, joliment « gender swapé » au féminin. Bien qu’épris de la même liberté que ses héroïnes, SILVER STAR est tourné majoritairement au téléobjectif, « en très gros plans » (expliquent les metteurs en scène) pour « rester au plus près des personnages, capter leurs émotions, leurs battements de cœur ». La très longue focale implique des heurts visibles à l’écran, mais Ruben Amar et Lola Bessis s’en accommodent parfaitement : « On a préféré privilégier la performance, le fond, quitte à ce qu’il y ait des imperfections dans la forme. Mais on trouve que ça fait sens pour le film car cela reflète la trajectoire semée d’embuches, en perpétuel mouvement de nos deux héroïnes. » Histoire d’une sororité lancée à 100 à l’heure sur la route de la revanche sociale, ce SILVER STAR surprend et prouve, si besoin était, que les petits budgets ne font pas des petits films, mais bien souvent des petits films au grand cœur et à la tête bien pleine.