UN POÈTE

Qu’est-ce qui définit un artiste ? Un titre et un statut dans lequel on se complaît ? Une spontanéité créative indifférente des attentes ? Le film De Simón Mesa Soto nous place face aux deux extrêmes du spectre à travers ses personnages. Poète à la gloire passée éphémère, Oscar ne voit plus dans l’art qu’un moteur à son narcissisme, la quête d’attention de ses pairs ayant asséché son inspiration. Scandant son statut davantage qu’il ne le justifie, il s’enlise lentement avant de tomber sur un talent inné et inconscient, celui de la lycéenne Yurlandi. Le réalisateur déploie conjointement une irrésistible satire et un drame touchant. La gloire par procuration gagnée en introduisant Yurlandi aux cercles intellectuels de Medellin va faire réaliser à Oscar son propre égarement. La beauté des mots de Yurlandi naît de son naturel, son milieu modeste ayant certes limité son horizon culturel, mais pas formaté ses vers laissant divaguer sa pensée sans viser l’approbation de quelconque audience. L’art comme liberté sans contraintes ni ambition, voilà la leçon qu’enseigne l’adolescente à ceux voyant en elle une bête de cirque plutôt qu’une poétesse en herbe. UN POÈTE vise juste dans sa peinture au vitriol d’une intelligentsia condescendante, mais sait faire naître l’émotion et la drôlerie par la justesse de ses situations, ainsi que l’irrésistible prestation de la révélation Ubeimar Rios, acteur non-professionnel. Un Prix du Jury cannois (dans la section Un Certain regard) amplement mérité.