MY FATHER’S SON

22/07/2025 - Par Justin Kwedi
MY FATHER’S SON est une tentative étonnante d’aborder la thématique du deuil et de la filiation, puisque la réconciliation avec les disparus se joue dans les mondes virtuels.

Perdre un parent expose, quel que soit l’âge auquel on subit le drame, à une foule de questionnements sur son rapport au disparu. De ce sentiment universel, Sheng Qiu tire un récit très original et personnel inspiré de sa propre expérience après la mort de son père. L’histoire est scindée en trois parties : une première observant la dérive du héros adolescent la nuit suivant les funérailles du père ; la seconde en forme de retour en enfance rappelant leur relation complexe ; une troisième où le personnage adulte use d’un biais technologique pour faire la paix avec l’image de son géniteur. L’introduction allie crudité douloureuse et dimension plus flottante correspondant à la perte de repère du personnage. Le retour en enfance dessine une figure de père rugueuse, cabossée et irresponsable mais qui inocule indéniablement à son fils certaines valeurs et, à sa manière une forme d’amour notamment par la pratique de la boxe. Ces deux premières parties tour à tour oniriques et introspectives auront dessiné un rapport au père reposant sur l’incompréhension et la défiance. C’est paradoxalement la froideur futuriste du troisième segment qui va initier une réconciliation filiale à rebours. La technologie de la réalité virtuelle permet au héros adulte de redessiner involontairement la figure du père dans un avatar adoptant ses traits et acquérant ses aptitudes de boxe. Ce filtre 2.0 amène chez lui une réflexion et une acceptation de son héritage, même si la neutralité des pixels prolonge finalement un message que son père chercha à lui transmettre durant cette enfance agitée. La VR l’expose à son patrimoine génétique alors qu’il s’apprête à devenir parent à son tour, et amène une relecture des affects d’antan. Si l’adolescence est souvent le moment où la découverte des défauts des parents est une gêne, ces petites tares sont regardées avec tendresse à l’âge adulte. Ce cheminement que le héros n’a pu faire en perdant son père trop jeune, il va pouvoir l’effectuer par la catharsis que lui permet la technologie. Sheng Qiu livre là une proposition singulière sur le thème du deuil, dans un très touchant propos qui se veut presque transhumaniste. À l’inverse d’une certaine défiance coutumière face à la technologie, Sheng Qiu réfute les motifs de deuils traditionnels et spirituels réduits à des représentations creuses (le dis- cours qu’est forcé de faire le héros aux funérailles est repris de la traumatisante expérience personnelle du réalisateur) au profit d’une émotion plus sincère se jouant dans l’intimité du monde virtuel. En alliant émotion à fleur de peau et vertiges métaphysiques, Sheng Qiu invente une forme bouleversante de mélodrame cyberpunk.

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Sortie : 23.07.25
De : Sheng Qiu
Avec : Chia-yen Ko, Anke Sun, Song Yang, Ning Sun
Pays : Chine
Durée : 1h49
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