DIDI
Cool, la tranche de vie d’un ado ingrat ! Le teen movie, d’autant plus quand il est américain, sait vraiment nous prendre par les sentiments. Voilà Chris Wang, 13 ans, qu’à la maison on appelle Didi et les copains, Wang Wang. Le temps d’un été, il va apprendre à la dure qu’il aime sa mère. Le fruit d’un long cheminement de deux mois où tout va partir en vrille. Avec Madi, la copine pour qui il a le béguin, ça ne va pas le faire – elle a le racisme ordinaire, il a la timidité maladive. Avec ses copains de toujours, tout va se déliter, le jour où il racontera à des filles comment ils ont fait exploser une boîte aux lettres avec un écureuil mort. Gross ! Avec sa sœur, la crise empire, à l’aune de son départ à la fac. Et puis Didi le voit bien : sa mère, peintre amateure, est de plus en plus martyrisée par Nai Nai, la grand-mère intraitable, la mère de son père, absent. Il se lance dans la vidéo de skate mais il faut bien avouer qu’il n’est pas très doué, risquant de passer pour un cave auprès des types les plus cools du quartier. On est en 2008, l’image, le tchat, les réseaux sociaux balbutient. Ce sont les débuts de Facebook, l’explosion de YouTube et on commence à vendre sa coolness sur MySpace. On a beau pouvoir choisir la couleur de ses bagues (celles des dents, pas celles des doigts), être un ado, c’est franchement pas une sinécure. Surtout quand on grandit entre la tradition taïwanaise et la culture américaine et qu’on essaie d’effacer ses origines, dans un élan de racisme intériorisé. DIDI n’est donc pas que le trip nostalgique d’un réalisateur – méchamment doué – juste pour le plaisir de filmer des portables à clapet. Au-delà des gimmicks et des gadgets, Sean Wang orchestre, avec justesse et lucidité, un retour en grâce vers un état adolescent qu’on a tous à peu près connu : sourire d’un rictus de gêne, faire la gueule à ses potes, s’habiller trop grand, lever les yeux au ciel, finir dans le bureau du proviseur. Aimer sa famille mais jamais en public. Rejeter l’autorité, avoir besoin d’un cadre. Chérir son foyer, faire le mur à la moindre occasion. Rêver à l’âge adulte sur une balançoire d’enfant. Izaac Wang, 16 ans au moment du tournage, a un talent insolent pour jouer les têtes-à-claques au grand cœur. La tendresse que Sean Wang installe entre Didi et sa mère (jouée par la merveilleuse Joan Chen de TWIN PEAKS), au fil de confessions brutales et d’affrontements pudiques, brise littéralement le cœur. Ce qui a démarré comme une comédie adolescente où on apprend à rouler des galoches finit comme le coming of age déchirant d’un garçon bien éduqué par les femmes de sa vie.
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De : Sean Wang
Avec : Izaac Wang, Joan Chen, Shirley Chen, Chang Li Hua
Pays : États-Unis
Durée : 1h33