Exclusif / DRAGONS : en salle de montage avec Dean DeBlois

Un remake en prises de vues réelles de DRAGONS ? Quinze ans seulement après l’animation qui engendra une trilogie révérée par la critique, adorée par le public, dont le dernier volet date de 2019 ? Depuis que Disney a lancé la tendance, beaucoup de voix se sont élevées pour la dénoncer. « Moi-même je l’ai fait », s’amuse Dean DeBlois, coauteur et réalisateur de DRAGONS avec Chris Sanders, puis seul maître à bord des deux opus suivants. « Quand Universal m’a parlé de cette idée, ma première réaction a été de dire que je n’étais pas fan de cette tendance parce qu’à la base, je suis un animateur. J’aime l’animation. Je suis très fier des films que nous avons faits et de l’équipe qui les a faits. » DeBlois parle en connaissance de cause : il ne s’est toujours pas résolu à regarder le remake de MULAN, dont il avait été co-auteur de l’histoire. « Chris Sanders m’a dit de ne pas le regarder car ils n’ont, selon lui, rien compris à l’esprit du film animé et du personnage. Il m’a prévenu que ça me frustrerait au plus haut point car le remake met de côté le cœur de ce qu’était MULAN. » Il voit aussi d’un œil méfiant le remake en prises de vues réelles de LILO & STITCH, animation qu’il avait coréalisée avec Sanders. « Si Chris me dit d’aller le voir, j’irai. À vrai dire, je suis curieux car LILO & STITCH est à mes yeux très distinctement un film de Chris. Cette histoire, c’est lui. Elle émane de lui. Au départ, il l’avait pensée comme un livre pour enfants qu’il pensait illustrer lui-même – au final, Disney avait aimé l’idée d’en faire un film. La sensibilité de LILO & STITCH, à la fois en termes d’esthétique, de personnages, de charme un peu branque, c’est du Chris tout craché. Tous ceux qui ont travaillé dessus, moi compris, se sont inspirés de Chris – on œuvrait à donner vie à ‘un film de Chris Sanders’. LILO & STITCH n’est pas une légende ou un conte de fées. C’est avant tout sa vision. Alors l’idée d’en faire un remake… sans lui, en plus de ça… Je sais que Chris assure à nouveau la voix de Stitch parce qu’il aime le personnage. On verra bien. »
« Je reviens à DRAGONS comme un protecteur. Je veux m’assurer que ce film ne perde pas le cœur et l’esprit des animations. »
En dépit du désamour qu’il peut avoir pour la tendance des remakes en live et de la distance qu’il a ainsi établie avec ceux de ses propres films, DeBlois explique : « J’aurais pu mourir au sommet de ma montagne en hurlant ‘Je ne soutiens pas cette tendance de remake live’. Mais ça signifiait que j’aurais dû voir ce remake être réalisé par quelqu’un d’autre. Je reviens donc à DRAGONS comme un protecteur. Je veux m’assurer que ce film ne perde pas le cœur et l’esprit des animations, tout ce qui a permis à ces personnages d’avoir autant d’écho auprès du public. » Durant les discussions régulières et extensives que Cinemateaser a pu avoir depuis plus de dix ans avec Dean DeBlois, jamais il n’a sombré dans la langue de bois. Dans l’histoire orale que nous avions consacrée à la trilogie, il exposait ainsi avec une sincérité désarmante tout ce qui, dans les trois films, le frustrait. Ses erreurs, ses hésitations, les décisions qui ont déstabilisé le récit ou qui, encore aujourd’hui, ne lui semblent pas avoir été les bonnes. « La conception du premier DRAGONS avait été une course folle. On avait eu très peu de temps (15 mois, ndlr) et très peu d’argent pour faire le film et le finir. Avec ce remake, on pouvait mener à bien certaines ambitions mises de côté à l’époque. Chacun de mes films s’accompagne d’une liste de regrets. J’aimerais parfois revenir en arrière pour corriger telle ou telle chose. Un projet comme celui-là me donnait cette opportunité. Certains personnages m’apparaissaient tellement sous-développés ! Par exemple, avec Astrid, on était passé à côté de belles possibilités. Je voulais aller plus loin avec elle. M’engager sur ce remake n’était donc pas seulement l’opportunité d’insuffler aux performances l’authenticité et le réalisme inhérents au live-action, ça me permettait aussi d’enrichir les interactions entre personnages et d’approfondir la mythologie. »

Dans le confort d’une salle de montage au cœur de Londres, Dean DeBlois joint le geste à la parole et nous projette une poignée d’extraits de ce nouveau DRAGONS. Le premier met en scène l’entraînement au combat contre le dragon Stormfly auquel Gobber soumet la jeune génération de Berk dans un labyrinthe de bois. Sur l’écran, les souvenirs indélébiles de l’animation ressurgissent : dans des décors construits en dur, Harold, Astrid, Rustik, Varek, Kranedur et Kognedur prennent vie, plus vrais que nature. Des idées inédites – la vision du dragon en caméra subjective – et de subtils ajustements font légèrement dévier le récit pour l’enrichir. « Ici, Astrid a plus de place pour exister. Cet extrait aborde certaines thématiques inexistantes dans l’animé, qui seront développées tout au long du film – Astrid confronte Harold sur son privilège : parce qu’il est le fils du chef, il n’a pas à travailler dur comme elle. » Suivront deux autres longs extraits : la mythique séquence « Test Drive », premier vol de Krokmou et Harold en symbiose, puis celle de l’examen final où Harold doit, devant son père et tout Berk, tuer un dragon. Un sentiment prédomine à chaque fois : voir les héros de DRAGONS dans de nouveaux corps, avec de nouvelles voix, n’éradique en rien les films animés et le souvenir des décharges émotionnelles qu’ils ont suscitées. Le remake de DRAGONS vit au contraire de ces souvenirs, il s’en nourrit, tout en injectant des nuances qui renforcent encore un peu plus la puissance d’évocation dévastatrice de cet univers, de ces images, de ces personnages. Krokmou, en vol, ne perd jamais son élégance mais gagne en force brute, tandis que la dramaturgie qui lie les personnages apparaît par instants hantée d’une gravité toujours plus bouleversante – à l’image du regard déchirant de Gerard Butler lorsque Stoik comprend que son fils a pactisé avec un dragon. « Même dans les moments familiers, je crois qu’on ressent l’idée que ces images sont ancrées dans une certaine réalité, comme si ce lieu et ces dragons existaient vraiment. Il en émane une intensité. »
« La conception du premier DRAGONS avait été une course folle. On avait eu [15 mois] pour le faire. Avec ce remake, on pouvait mener à bien certaines ambitions mises de côté à l’époque. »
Dean DeBlois explique que deux séquences restent très proches, en termes de découpage, des films d’animation : « Test Drive » et « Forbidden Friendship » (quand Harold pose la main sur Krokmou pour la première fois). « Il y a néanmoins des différences, notamment dans le travail de la caméra : dans « Test Drive », le caméraman a l’air de ne pas toujours parvenir à suivre Krokmou, il corrige et ajuste constamment son cadrage, il le perd puis le retrouve de nouveau, etc. Le but, dans cette scène, a toujours été de donner au public la sensation d’être avec Krokmou et Harold. Ici, on a essayé d’amplifier ce sentiment. » À la photographie, DeBlois, sur les conseils de Roger Deakins, a engagé Bill Pope qui, de SPIDER-MAN 2 à BABY DRIVER en passant par la trilogie MATRIX, est un vieux briscard des scènes d’action toujours fluides, élégantes et virtuoses. Ensemble, ils ont établi une règle : « Si l’on était incapables de faire mieux, on reproduisait les plans des animations. Mais évidemment, le défi était de faire mieux. En termes de récit, ce DRAGONS suit peu ou prou celui du film originel. Mais, en plus d’approfondir les relations entre personnages et la mythologie, on étend certaines scènes existantes. Elles se sont naturellement allongées justement parce qu’il y a davantage de texture dans l’interaction entre personnages. Un élément concret nous a mené aussi à un film un peu plus long : les dragons devaient se mouvoir plus lentement que dans l’animation car sinon, ils auraient eu l’air trop légers ; cela aurait amoindri leur crédibilité. En tout cas, on ne s’est jamais dit : ajoutons une scène par-ci, par-là. »
Si les extraits projetés se révèlent extrêmement prometteurs et parviennent à exister en conjonction des animations, jamais en contradiction, Dean DeBlois sait que chacune de ses décisions sera remise en question, son remake soumis à une inévitable comparaison avec l’original. « Je sais que ce film va diviser. Certains diront qu’il ne fallait pas le faire, d’autres me reprocheront d’avoir ruiné leur enfance. Certains diront que j’ai changé trop de choses, d’autres pas assez. Mais j’ai abordé ce projet en me disant que si on le faisait avec amour et respect pour le matériau d’origine, en essayant de l’améliorer quand c’était possible, ce remake pourrait exister au côté du premier. Je n’ai jamais voulu remplacer l’animation. J’en suis bien trop fier pour ça. »
En attendant la sortie en salles en juin, découvrez la nouvelle bande-annonce ci-dessous.
Rendez-vous dans un prochain numéro du magazine Cinemateaser pour la suite de ce reportage.
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Réalisateur : Dean DeBlois
Avec : Mason Thames, Nico Parker, Gerard Butler, Nick Frost
Pays : États-Unis