MARIA
JACKIE, SPENCER et maintenant MARIA. Trois films qui prouvent qu’une autre façon de raconter est possible. Trois films qui au fond n’en forment qu’un, comme une longue élégie funèbre. Trois femmes que le destin sublime et écrase. Un réalisateur qui à travers elles tente de courber le temps. Des films comme des labyrinthes, des héritiers du MARIENBAD d’Alain Resnais où l’on ne sait plus très bien où l’on est, où le temps se diffracte. Des films de salon pour raconter des apocalypses intérieures. Point final (on l’imagine) de cette trilogie, MARIA conclut en apothéose lyrique ce cinéma funèbre. Si dans JACKIE la mort était un spectacle glaçant, si dans SPENCER elle était une menace plus symbolique qui ne cesse de se rapprocher, MARIA est un tombeau. Filant le long des derniers jours de la diva Callas, Larraín compose une marche funèbre comme un dédale à travers le temps et l’espace. Dans son grand appartement parisien comme figé par les tableaux, les robes et les statues, Callas erre et s’égare dans ses souvenirs. La diva d’hier, la femme d’aujourd’hui. Tout ça saisi par Pablo Larraín dans un même mouvement, comme un long glissement à travers toutes les textures possibles de l’image. Noir et blanc, super huit, lumières expressionnistes, flou, net, il utilise toutes les possibilités pour donner à l’image une vibration quasi fantomatique, comme si tout était à la fois présent et déjà absent. À l’image de son héroïne, Maria corps exsangue, hantée par la voix qu’elle n’a plus et qui ne cesse de se perdre dans les limbes de ses souvenirs. Ce qu’elle était, ce qu’elle n’est plus. Mais Larraín n’est jamais cruel. Son cinéma est un écrin, une façon d’envelopper son personnage, de l’accompagner et d’essayer de capter la beauté tragique à l’œuvre. Un film comme un linceul dans lequel se love avec une puissance phénoménale Angelina Jolie. À l’instar de Natalie Portman et de Kristen Stewart, elle joue elle aussi avec le vertige d’être ou ne pas être et compose sa Callas comme la rencontre entre deux icônes. La physicalité d’Angelina Jolie, sa stature, sa puissance, sa beauté étrange dialoguent avec la voix fantomatique de la Callas. Fascinante, l’actrice dévore l’écran et pourtant, semblent passer à travers elle les fantômes d’une vie. Le retour en grâce d’une actrice pour les adieux d’une diva. Quand la voix de la Callas s’empare de l’image, l’émotion monte. Mais elle culmine quand soudain le corps de Jolie marque l’impossible imitation. Quelque chose s’enraye, l’humain derrière le mythe, l’actrice derrière le personnage. Du cinéma qui n’imite pas la vie mais la regarde nous filer entre les doigts. Sublime.
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Réalisateur : Pablo Larraín
Avec : Angelina Jolie, Pierfrancesco Favino, Alba Rohrwacher, Haluk Bilginer
Pays : États-Unis
Durée : 2h03