PIECE BY PIECE

19/11/2024 - Par Emmanuelle Spadacenta
Drôle de proposition de film d’animation, documentaire chelou, (l)egotrip rigolo et inoffensif. Être conscient de ce qu’est PIECE BY PIECE garantit de passer un excellent moment.

On dit souvent qu’on peut mesurer le boulard de Pharrell à la taille de son chapeau. Deux remarques : d’abord quand on est l’un des plus gros producteurs de hip hop au monde, qu’on a pondu « Get Lucky », « Blurred Lines » ou « Drop It Like It’s Hot », on a le droit de nourrir une certaine fierté ; ensuite, pas sûr que ce qu’on prend pour un très gros ego ne soit pas simplement une timidité jugée un peu rapidement à l’aune de la morne norme. Ce documentaire tout à sa gloire aurait pu être un repoussoir mais décidé à s’ouvrir un peu plus que d’habitude, Pharrell s’est dit que si le film était réalisé en Lego, une distance entre l’image et le public s’instaurerait et aiderait tout le monde à se détendre. PIECE BY PIECE pourrait ainsi recueillir la parole de témoins qui ne parlent généralement pas beaucoup. Sa femme par exemple, qui ne donne jamais d’interview. Ça évite aussi coiffure et maquillage pour les Missy Elliott, Jay-Z, Oprah Winfrey, Snoop et autre Busta Rhymes de ce monde, descendus de leur trône pour venir dire tout le bien qu’ils pensent de leur ami musicien à nos oreilles toute ouïe. L’animation permet aussi d’imager et d’illustrer certaines émotions de Pharrell de manière cohérente avec son propre univers mental. Celui qui, depuis l’enfance, manquait cruellement de sentiment d’appartenance et se sentait toujours un peu à la marge, souhaite se raconter avec originalité et fantaisie. PIECE BY PIECE, c’est souvent très poétique à regarder et, bien que l’homme ne soit pas connu pour être un boute-en-train, aussi très drôle parfois. De là à dire que derrière le sérieux papal du directeur artistique de marque de luxe française, se tient un garçon avec une sacrée autodérision… c’est un pas qu’on ne franchira pas. La grande success story qu’est le film se permet bien de fléchir lorsque Pharrell traverse une panne sèche d’inspiration ou quand il se fait retoquer une bonne dizaine de titres par Universal pour MOI, MOCHE ET MÉCHANT 2. Mais ça ne dure pas longtemps et qu’il s’agisse de critiquer le cynisme du milieu en montrant du doigt « les marketeux » ou que le film ose brièvement une entreprise d’humilité, il y a toujours un tube quelque part pour rappeler le talent inégalé et très lucratif de Pharrell – l’argent, qui semble ici mesurer le succès, est très présent dans sa vie et il ne s’en cache pas. Toujours est-il que PIECE BY PIECE, en racontant par le menu la vie et la carrière de Pharrell, réussit comme lui à marier le chelou et le mainstream. Et comme on peut lever les yeux au ciel quand on entend « Happy » au supermarché pour finir, vaincu, par se dandiner en rythme, la résistance à PIECE BY PIECE ne dure qu’un temps. Force est d’avouer, c’est amusant.

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Sortie : 20.11.24
Réalisateur : Morgan Neville
Avec : Pharrell Williams, Shae Haley, Chad Hugo, Kendrick Lamar
Pays : États-Unis
Durée : 1h33
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