ALIEN : ROMULUS
« Le pan que je ne voulais vraiment pas négliger, c’est ce qui a fait qu’en 1979, ALIEN a eu tant d’impact sur les gens – le choc, la violence, l’effroi. Bien sûr, ROMULUS ne peut pas être tout à fait ça car il y a là-dedans des éléments désormais trop familiers pour qu’il le soit », nous disait Fede Alvarez il y a quelques semaines (voir Cinemateaser n°2). Le cinéaste uruguyaen résume là parfaitement la situation. Avec ALIEN : ROMULUS, il souhaite revenir aux racines de la franchise, celle du survival horrifique en lieu clos, mais ne peut tout à fait y parvenir, tant l’ALIEN de Ridley Scott bénéficie, à juste titre, du trône inatteignable de ceux qui inventent. Si ALIEN : ROMULUS ne peut se targuer d’innover, il a le mérite de dépoussiérer, et de le faire avec une énergie et une efficacité assez admirables. Rain Carradine (Cailee Spaeny, parfaite de stoïcisme, n’allant jamais dans le cliché de la badasserie), vit sur une colonie en voie de terraformation où elle travaille aux mines, quasi asservie par Weyland-Yutani. Lorsque des amis lui proposent de voler des caissons de cryogénisation sur une station scientifique à la dérive afin de partir clandestinement vers une autre planète, elle n’hésite pas. La bande va vite découvrir la raison pour laquelle la station est désormais déserte… De ce postulat classique, Fede Alvarez déroule un programme qui cite ouvertement ALIEN, ALIENS et PROMETHEUS, tant thématiquement – la lutte des classes et l’asservissement des cols bleus ; l’homme face à son rêve illusoire d’éternité – qu’esthétiquement – l’usage de lumières monochromatiques splendidement maîtrisées par le chef opérateur Galo Olivares ; certaines sonorités du thème de Jerry Goldsmith. Peut-être trop chevillé à sa fascination pour la franchise ou à des impératifs industriels, Fede Alvarez commet là un faux pas impardonnable, en organisant le retour d’un personnage à la fois inutile, éthiquement condamnable et vicié par des VFX ratés. Au-delà de cette erreur irritante, ALIEN : ROMULUS parvient à conserver l’identité de son auteur. Avec EVIL DEAD et DON’T BREATHE, Alvarez a peaufiné sa marque de fabrique à coups d’images chocs, de scènes doloristes et d’idées de mise en scène réifiant organiquement ce que traversent les personnages – la scène dans le noir complet de DON’T BREATHE. Il ne se renie pas dans ALIEN : ROMULUS, dont certains plans s’inscrivent dans le panthéon des plus brutaux de la série. Là, dans ses élans appuyés totalement assumés de body horror, réside la force indéniable de ce septième volet, qui lui insuffle toute sa modernité de regard. En multipliant les symboles phalliques et vulvaires, les images de sécrétions agressives – dont un plan univoque d’un simili-sperme en apesanteur – et les figures de béances qui s’ouvrent, menaçantes, ou qu’on pénètre de force, Fede Alvarez pousse à son paroxysme la métaphore sexuelle qui a toujours nourri la franchise depuis ses débuts. Il en tire un portrait à la fois cruel et attendri d’une génération, les millennials, à la fois asexuée et assaillie par les pulsions du monde qui les entoure. Qu’une femme prenne les armes face à un Alien toujours plus proche des hommes qu’il traque, prend ainsi ici d’autant plus de sens. Rain Carradine n’est pas qu’un succédané de plus de Helen Ripley, mais bien l’expression de la volonté que la peur change de camp.
Photos courtesy of 20th Century Studios. © 2024 20th Century Studios. All Rights Reserved.
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Réalisateur : Fede Alvarez
Avec : Cailee Spaeny, David Jonsson, Isabela Merced, Archie Renaux, Spike Fearn
Pays : États-Unis
Durée : 1h59