Cannes 2024 : MY SUNSHINE
Gagner en assurance signifie-t-il perdre sa fragile douceur ? Pas dans le cas du réalisateur japonais Hiroshi Okuyama. Son premier long, JESUS, suivait un jeune garçon qui déménageait à la campagne chez sa grand-mère où lui apparaissait un mini Jésus, auquel il confiait ses vœux – que le Christ exauçait. Il y sondait les ravageuses émotions de l’enfance, la joie des amitiés instantanés et les premiers deuils, mais injectait un peu de magie dans le quotidien. MY SUNSHINE se déroule dans le même contexte : l’hiver, sous la neige, dans une bourgade rurale nippone. Que ce soit au baseball au printemps ou au hockey en hiver, Takuya est nul en sport. Lorsqu’il aperçoit Sakura sur la patinoire aligner les figures avec grâce, il en tombe immédiatement raide dingue – est-ce de l’amour ? Ou juste de la fascination ? Peu importe : Okuyama met en scène ce moment de vérité comme si la vie de Takuya venait de basculer. La lumière se fait plus chaude, la jeune fille se meut au ralenti et la musique devient extra diégétique – vecteur d’idéalisation par excellence. C’est décidé : Takuya se met au patinage artistique. Le coach de Sakura, Arakawa (le toujours impeccable Sosuke Ikematsu), ancienne gloire de ce sport, se prend d’affection pour le garçon et décide de l’entraîner pour créer un duo composé des deux pré-ados… Il suffit de peu, d’une accumulation de petits riens, pour qu’un film se hisse au-dessus de la mêlée. MY SUNSHINE n’effectue aucun grand geste de cinéma, il ne hausse jamais le ton, ne sombre dans aucun mélodrame et pourtant, il résonne davantage que bien des films qui agitent leur génie et leur ambition. De sa photographie subtilement colorée, granuleuse comme la neige, comme voilée par le froid, MY SUNSHINE construit un cocon dans lequel le spectateur se love comme on se perdrait dans un album d’Ektachrome familiaux. Comme il l’a fait dans la série MAKANAI aux côtés de Kore-eda, Okuyama capte avec grâce et sans effusion les petits gestes du quotidien, les réactions timides, les fou-rires tonitruants, les hésitations, les silences aussi, tout ce qui constitue ses personnages et leur interaction, et en fait un matériau absolument romanesque. Ce qui le lie est beau, humain, simple. Le cinéaste fait de nous les témoins de la naissance d’un instant forcément fugace dans l’existence de son trio. Se dégage de son regard une infinie tendresse pour ces trois personnages et, alors même que le film ne dure que 100 minutes, une nostalgie pour ce qu’ils ont vécu ensemble, comme si nous les connaissions depuis toujours. Le cinéma a sans doute été inventé pour ça.
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Réalisateur : Hiroshi Okuyama
Avec : Keitatsu Koshiyama, Kiara Takanashi, Sosuke Ikematsu
Pays : Japon
Durée : 1h40